L'INCESTE
Lu pour vous...
L'inceste, de Christine Angot
La réception d'un ouvrage dépend souvent des conditions de lecture, et donc de l'état d'esprit du lecteur qui en déchiffrant chaque lettre de chaque mot de chaque phrase va essayer d'édifier ce que promet le titre. J'étais alors déçu par la littérature et je n'attendais plus rien de sa fréquentation. Un dimanche à la Trenet j'ai lu l'Inceste et mon coeur s'est gonflé de ce poison étrange, un philtre féminin, trop féminin.
Je ne devrais pas te le dédier, celui-là
Et ce n'est déjà plus un roman, ce terme vieillot et scolaire. C'est un livre, où comme dans un roman l'auteur se propage, y met tout ce qui fait sa personne et nous laisse le soin dans le désordre d'une prose hoquetante de rétablir une histoire et des personnages. Un livre avec un incipit imparable comme une ouverture de Beethoven :
J'ai été homosexuelle pendant trois mois.
Un livre qui va prendre cette forme de récit, puis de journal, enfin de compte-rendu de lecture du Dictionnaire de la Psychanalise de Roudinesco, comme si l'auteur en nous écrivant sur elle se désunissait au point d'avoir besoin d'un mode d'emploi pour se reconstituer sous nos yeux et continuer à nous raconter ce qui ne se dit pas, sans parvenir à reprendre suffisamment forme et ainsi en laissant filer une prose proprement informe.
Je ne tiens pas debout, le ciel coule sous mes mains.
Alors l'inceste, la figure astrale, impossible à fixer, du père surgi de ce passé qu'on traîne comme un chalut, pourquoi pas? Léautaud nous confiait ses rares visites à sa mère, il y a du Léautaud à ne pas vouloir prendre forme littéraire et à être plus exigeant avec soi qu'avec le monde. La différence chez Angot est qu'une femme n'a pas ce bénéfice artistique qui semble accordé a priori à certains du fait de leur sexe ou de leur filiation ou tout simplement de leur innocuité. Et puis l'homme qui lit Angot devient une femme le temps du livre, et ce temps nul n'a jamais été capable d'en estimer la durée. Et les hommes qui décident de la littérature (et qui bien souvent sont des femmes) ne veulent à aucun prix perdre leur pénis.
Alors d'accord, les livres de Christine Angot ne tiennent pas debout, la première galeriste nympho venue écrit mieux, mais c'est seulement du récit qui tient le pénis du lecteur au chaud. Angot elle nous jette tout à trac, il ne s'agit pas d'une confession non plus, plutôt d'une prose sans sa métrique - vous savez, ce "solide bon sens" dont parle Céline.
Solide bon sens, mort de la langue.