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Plein de Caporal
20 juin 2015

LE LIVRE DE L'INTRANQUILLITE

pessoa

Lu pour vous...

Le livre de l'intranquillité, de Fernando Pessoa

Il n'est pas une phrase du livre de l'intranquillité qui ne vaille les oeuvres complètes de la plupart de ces grands personnages qu'on nomme les écrivains, qui n'ait la valeur d'une bibliothèque entière, qui ne soit littéralement culte. Mais cette phrase, peu importe laquelle, ne sera jamais qu'un simple élément d'un livre, lui-même bref aperçu de la vie intellectuelle de son auteur, Bernardo Soares, qui n'est à son tour qu'un personnage d'emprun, un avatar, lui dit hétéronyme, de Fernando Pessoa : vertige cosmique qui s'approfondit encore des circonstances fortuites de la découverte de ce texte et de cet auteur.

Pessoa a engendré une explosion littéraire dont le souffle puissant a tardé à nous emporter. Les premiers effets n'ont pas encore atteint le grand public, mais l'élite, l'avant-garde et ceux qui ont la sensibilité des poètes. Il faudra garder à l'esprit ce choc, quand un unanimisme grégaire nous dictera qui est Pessoa. Soares nous avait pourtant prévenu :

Je me suis rendu compte, en un éclair intime, que je ne suis personne, absolument personne.

Combien de rue Pessoa, de Lycée Pessoa, d'euro portant sa bouille de Marx Brother, de jeune fille dans le train plongée dans son oeuvre protéiforme? Mais a-t-on besoin qu'il devienne le lisboète d'honneur, l'égal du dublinois Joyce ou du carolomacérien Rimbaud? A-t-on besoin de l'avis des autres pour admirer? Il semblerait.

On peut cependant douter qu'une "autobiographie sans évènements" et quelques "grands textes" hermétiques, voire énigmatiques, ne séduisent jamais les foules avides de nouveauté et de réponse.

S'il y a un problème c'est qu'il n'y a pas de solution.

Plus abouties que la tentative de Musil, ces confessions inactuelles, volontairement marginales, parviennent à se placer à l'écart de la littérature sans tomber dans le piège métaphysique. Elles élèvent le discours à la hauteur du narrateur, lui-même détachement à demi-conscient de l'auteur. Elles sont d'un bout à l'autre originales, pures de la moindre pensée d'autrui.

Je m'apaise enfin. Me voici seul et paisible. Je me sens libre, comme si j'avais cessé d'exister et que j'en aie cependant conscience.

Alors peut venir l'oeuvre, non plus la voix secrète d'un personnage dérisoire, mais l'affirmation littéraire de l'être, du coeur de l'être. Pessoa est un poète : dans le livre de l'intranquillité, pas une phrase qui n'ait un sens et qui ne soit indispensable.

Ecrire, c'est oublier. La littérature est encore la manière la plus agréable d'ignorer la vie.

 

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Plein de Caporal
  • Dire ce que l'on a sur le cœur, ne pas voler, le dire en chantant, en écrivant, Odysseus déjà les lui confiait, ses tourments, pour rigoler, menteur métissé, enchanteur, en chantier, et puis lire encore, l'ouvrir aux autres, le fermer enfin.
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