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Plein de Caporal
31 octobre 2015

UBIK

Lu pour vous...

dick

Ubik, de Philip K. Dick

 

La littérature de genre propose à une population toujours plus nombreuse de satisfaire ses inextinguibles besoins culturels : des auteurs en firme industrieuse aux noms autrefois anglo-saxons, aujourd'hui scandinaves, produisent des pièces roboratives dont on aurait peine à trouver plus d'intérêt que dans les millions de compositions scolaires censées former la jeunesse - la poussant à l'adoration du dégoût et de l'uniformité.

Dick serait de cette espèce médicamenteuse qui tape à la machine des dialogues à la mise en scène holywoodienne. Il s'adresse à un lecteur qui imagine plus qu'il ne pense, qui projette plus qu'il n'intériorise. Le consommateur de SF engrange les premiers chapitres d'Ubik où chaque phrase est une proposition de l'état de l'humanité en juin 1992 - où je ne passe pas mon bac au lycée Nord de Marseille, mais où les morts ne le sont pas tout à fait, maintenus dans une semi-vie comateuse dont on les tire de loin en loin, pour les besoins d'une intrigue rendue confuse par son artificialité.

Comme dit l'aveugle dans l'Aleph :

C'est peut-être la conséquence de l'abus de détails circonstantiels, procédé qui fait tout paraître faux ; car pareils détails abondent bien dans la réalité, mais nullement dans la mémoire qu'on en a...

Au milieu du livre, vers la fin du chapitre 9, le roman change de perspective, comme si son écriture, acte bassement commercial, prenait le pas sur l'intrigue convenue d'un complot contre une agence de protection psychique dans un monde futuriste mais encore proche, simple déformation du réel des années 1960.

Le patron de l'agence, Runcister, est maintenu en semi-vie dans un moratorium suisse, suite à un attentat dont il a été victime sur la lune. Mais des morts et des disparitions inexpliquées commencent à décimer son équipe survivante, jusqu'à ce qu'ils découvrent un graffiti dans les toilettes de l'écriture de Runcister :

Je suis vivant et vous êtes morts.

Dick a retourné le livre et son lecteur avec : tous les personnages que nous suivons, et que nous inventons à mesure que nous lisons, sont morts. Runcister a seul survécu à l'attentat sur la lune, les a placés dans le moratorium où il tente de les sauver d'un autre semi-vivant, Jory, qui crée la réalité du livre pour mieux les piéger et s'en nourrir.

Et l'aveugle de poursuivre :

L'histoire que j'ai racontée paraît irréelle parce qu'en elle s'entrelacent les évènements arrivés à deux individus distincts.

Les deux individus chez Dick sont l'individu réel et l'individu imaginaire, sans que nous ne sachions jamais de qui nous sommes, en tant que lecteur, le plus proche. Poussée à l'extrême la démarche artistique devient gnosticisme, et n'est-ce pas l'intention de l'auteur dans le titre : Ubik signifie Partout, la publicité qui ouvre chaque chapitre est ce message omniprésent qui nous fait croire à la réalité du monde. D'où ce besoin maladif de culture.

Alors la prochaine fois, regardez mieux les pièces qui trainent au fond de votre poche : la figure que vous y découvrirez sera celle de votre auteur, autant dire votre dieu (ou l'apparence de dieu, le démiurge).

 

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Plein de Caporal
  • Dire ce que l'on a sur le cœur, ne pas voler, le dire en chantant, en écrivant, Odysseus déjà les lui confiait, ses tourments, pour rigoler, menteur métissé, enchanteur, en chantier, et puis lire encore, l'ouvrir aux autres, le fermer enfin.
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