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Plein de Caporal
1 novembre 2015

COURIR

Lu pour vous...

jean-echenoz

Courir, de Jean Echenoz

 

Dans le court laps de temps qui a séparé Gutenberg de Bill Gates, quelques jeunes générations ont pu rêver en parcourant ces livres journalistiques sur les grandes conquêtes de l'humanité et les géants du sport. On retrouve de cette saveur de reader digest dans le "projet" biographique d'Echenoz, qui n'a pas choisi le fils du peuple Kopa ni le fils du peuple Copi, mais l'ouvrier des usines Bata Emile Zatopek, champion tchèque de course à pied.

Pourquoi Zatopek? Nom de coureur : le nom.

Ce nom de Zatopek qui n'était rien, qui n'était rien qu'un drôle de nom, se met à claquer universellement en trois syllabes mobiles et mécaniques, valse impitoyable à trois temps, bruit de galop, vrombissement de turbine, cliquetis de bielles ou de soupapes scandé par le k final, précédé par le z initial qui va déjà très vite.

Le verbe courir se conjugue au présent chez Echenoz, courir comme pour fuir l'armada allemande qui entre en Moravie en 1939, courir jusqu'à l'arrivée de l'armada russe qui entre à Prague en 1968. Courir simplement, dans un style épouvantable, exhibant au public ses souffrances dans d'affreuses grimaces. Mais courir sur les mains pour fêter sa première grande victoire.Courir comme ce communisme triomphant, qui devait mourir d'immobilisme. Quand courir était encore une épreuve qui soulevait les foules, quand courir n'était pas une question d'or et d'argent.

Pourquoi roman? La biographie a de longtemps précédé l'art romanesque, elle se veut plus témoignage que fantaisie. C'est le véritable tour de force du livre, et la vraie réussite d'Echenoz, de donner plus d'importance aux mots qu'à ce qu'ils évoquent.

Comme a écrit le compatriote de Fangio :

Quand s'approche la fin, il ne reste plus d'images du souvenir ; il ne reste plus que des mots.

Les mots choisis sont simples et précis, évocateurs sans trop de connotation. Ils s'ordonnent en phrases de longues enjambées, appuyées sur des virgules et des conjonctions qui marquent la foulée. Le tour de piste chronologique participe de ce rythme de locomotive, et on ne sait qui suit la cadence de l'autre, du coureur de l'auteur, du héros au prénom francisé du narrateur qui jamais ne s'attarde. A moins qu'il ne s'agisse des yeux du lecteur, qui progressivement édifient une de ces vies parallèles dans leur trajectoire implacable.

 

 

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  • Dire ce que l'on a sur le cœur, ne pas voler, le dire en chantant, en écrivant, Odysseus déjà les lui confiait, ses tourments, pour rigoler, menteur métissé, enchanteur, en chantier, et puis lire encore, l'ouvrir aux autres, le fermer enfin.
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